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Optimiser la guérison des blessures par la nutrition


Vous avez lu mon premier blogue sur la prévention des blessures dans le magazine Distance + et malgré toutes vos précautions vous vous êtes blessés? Ne vous inquiétez pas, il vous reste encore plusieurs solutions à tenter en nutrition si vous voulez optimiser votre guérison ! Les options de traitements utilisées suite à une blessure sont souvent une combinaison de repos, glace, massage, chaleur, stimulation électrique, thérapie manuelle et acupuncture. La nutrition est malheureusement souvent mise de côté alors qu’il y a pourtant des évidences scientifiques qui appuient l’impact positif du traitement nutritionnel sur différents types de blessures non sportives mais qui pourrait être appliqué auprès des athlètes (1).

Le traitement nutritionnel peut avoir un impact significatif sur plusieurs aspects affectant votre retour au sport. Le rôle de la nutrition lors d’une blessure est de :

1. Réduire le temps de guérison

2. Diminuer la perte musculaire

3. Diminuer la prise de masse grasse

4. Réduire la douleur

5. Diminuer la perte de densité osseuse

6. Améliorer la fonction des tendons

Il est cependant crucial de coordonner l’approche nutritionnelle avec les différents stades de blessures. On peut en général diviser les blessures en deux stades. Le stade 1, d’une durée de quelques heures à quelques jours, implique la réparation intensive des tissus. C’est souvent à ce moment qu’on est inactif et qu’il peut y avoir une atrophie musculaire de 0,5 à 0,6% par jour, c'est-à-dire une perte de 150g à 350g/j de muscles, particulièrement les fibres de type II (1,2). Le stade 2, d’une durée de quelques semaines à plusieurs mois, implique la réhabilitation et l’hypertrophie musculaire via des exercices thérapeutiques. Vous apprendrez dans ce blogue comment la nutrition peut jouer un rôle dans la guérison des blessures musculo-squelettiques selon les différents stades de la blessure (1).

Stade 1

Inflammation, réparation des cellules endommagées, inactivité et atrophie

À cette étape, l’accent sera mis sur la diminution de la douleur, la réduction de la perte de masse musculaire, la stimulation de la réparation des muscles endommagés, la consommation suffisante d’énergie et la gestion de l’inflammation. Voici les principaux nutriments qui auront un impact lors de ce stade :

Énergie

Il est très important d’avoir un apport en énergie optimal équilibrant le maintien de la masse musculaire tout en limitant la prise de masse grasse. Si vous aviez l’intention de perdre du poids pendant que vous êtes blessés, ravisez-vous car un apport en énergie insuffisant inhibe la synthèse musculaire. Le besoin en calories peut augmenter jusqu’à 20% de plus lors d’une blessure, particulièrement dans le stade 1 de la blessure (1).

Un apport énergétique insuffisant peut également nuire au bon fonctionnement du système immunitaire de même qu’un apport insuffisant en vitamines et minéraux et une flore intestinale altérée (3). Une évaluation complète de vos apports en énergie, macro et micronutriments ainsi que la stimulation de votre flore intestinale pourraient vous aider à assurer un système immunitaire efficace et donc une guérison optimale.

Protéines

C’est bien connu, la consommation de protéines stimule la synthèse musculaire et donc la réparation des muscles. La synthèse musculaire est cependant moins stimulée qu’en temps normal lors d’une blessure où le muscle est inactif. Il faut alors augmenter davantage la prise de protéines et la répartir tout au long de la journée pour compenser cet effet (1). De plus, la prise de protéines de haute qualité (surtout animale) à toutes les trois heures diminue la perte de masse musculaire et stimule la synthèse protéique. Ceci est particulièrement important suivant un exercice ou une stimulation électrique (1).

Il ne faut pas oublier que les protéines jouent également le rôle de transporteurs sanguins de vitamines, de minéraux et d'hormones nécessaires au fonctionnement du système immunitaire. Elles sont également essentielles dans la différenciation cellulaire des globules blancs pour combattre l’inflammation (1). Un apport adéquat en protéine est donc important autant pour la masse musculaire que pour gérer l’inflammation.

Créatine

La créatine, un supplément souvent utilisé chez les athlètes pour stimuler l’hypertrophie musculaire conjointement avec des exercices de résistance, pourrait également vous aider à maintenir votre masse musculaire en stade 1. Cependant, les études montrent des résultats variables selon l'endroit de la blessure et bien qu'elle soit tentée auprès d’athlètes de haut niveau lors de blessures, la créatine n’est pas recommandée d’emblée à tous en stade 1 (1).

Eau

70 à 75% des muscles sont constitués d’eau. Cette dernière est nécessaire à l’élimination des déchets et à la synthèse musculaire lors de blessures. Assurez-vous donc de boire suffisamment d’eau en fonction de votre poids, de votre blessure et de votre activité physique actuelle.

Vitamine D

La vitamine D stimulera votre guérison en augmentant la fonction immunitaire par l’accumulation de fluides et de cellules immunitaires ainsi que par la libération de peptides antimicrobiens dans les tissus lésés et enflammés (4). Elle aura également un rôle à jouer au niveau de la réduction de la douleur. La douleur est principalement due aux mécanismes inflammatoires et permet à notre cerveau de comprendre qu’il doit arrêter de faire un mouvement spécifique, mais une douleur qui se prolonge n’est jamais plaisante. Sachez qu’un statut bas en vitamine D est associé à une augmentation des douleurs musculaires (4). Un supplément de vitamine D pourrait alors être pertinent si le taux sanguin en vitamine D est bas. Une prise de sang pourrait être nécessaire afin de vérifier ce statut, surtout considérant qu’au Québec on ne synthétise pas de vitamine D active à partir du soleil de septembre à avril et que l’apport alimentaire moyen est insuffisant.

Oméga-3

Bien qu’une inflammation excessive puisse nuire à la guérison, l’inflammation est désirée pour enclencher les mécanismes de réparation à ce stade. Diminuer drastiquement l’inflammation peut nuire au processus de récupération d’une blessure chez un athlète (9). La consommation de grande quantité de suppléments à caractère anti-inflammatoire tels que les omégas-3 pourrait contrecarrer l’effet inflammatoire. En contrepartie, certaines études chez le rat montrent que les omégas-3 stimulent la synthèse musculaire et diminuent la perte de masse musculaire. Ceci reste toutefois à confirmer chez l’humain. Il faut donc rester prudent avec les suppléments d’oméga-3 en stade 1 d’une blessure et privilégier plutôt les sources d’oméga-3 des aliments (1).

Alcool

Vous avez envie de noyer dans l’alcool votre frustration face à la blessure ? Je vous conseille fortement d’y réfléchir à deux fois car non seulement vous entretenez une relation malsaine envers les aliments mais aussi car la consommation d’alcool diminue la vitesse de guérison, possiblement par la diminution de la réponse inflammatoire en stade 1 (1).

Stade 2

Réhabilitation et hypertrophie (lorsque l’inflammation aiguë est terminée et que l’on peut bouger un peu plus)

L’énergie, l’eau et les protéines sont essentiels pour la prise de masse musculaire et la stimulation de la synthèse de collagène, ce dernier étant utilisé pour la réparation des ligaments, des tendons, du cartilage et des os. Ce n’est donc pas le moment de restreindre à l’excès les apports énergétiques et protéiques (1). Les glucides ont aussi un rôle important à ce stade car leur consommation avant et pendant les entrainements de réhabilitation en résistance musculaire stimule la synthèse protéique musculaire (1).

L’équilibre entre la guérison et le maintien du poids n’est pas chose facile. C’est pourquoi il est primordial dans cette phase qui peut s’étirer sur plusieurs semaines d’optimiser vos apports en calories pour limiter la prise de poids, en protéines, glucides et lipides pour favoriser la guérison des muscles et des tendons, et en vitamines et minéraux pour stimuler votre système immunitaire et fournir à vos cellules ce dont elles ont besoins pour reconstruire. Posez-vous alors ces questions : Respectez-vous vos signaux de faim et satiété? Mangez-vous suffisamment de protéines ou trop? Priorisez-vous la consommation d’aliments riches en certains micronutriments spécifiques? Un suivi professionnel des mesures anthropométriques (plis cutanés) peut alors s’avérer utile pour vous assurer que votre variation de poids est liée à la prise de masse musculaire et non adipeuse.

Si encore une fois vous avez envie de noyer votre frustration dans l’alcool, vous ne vous en sortez pas en stade 2 non plus. L’excès d’alcool (1,5g/kg ou 6-7 consommations) consommé suite à un entrainement peut diminuer jusqu’à 24% votre synthèse protéique musculaire (7). Pas très efficace si on veut récupérer notre masse musculaire rapidement!

Voici finalement quelques micronutriments spécifiques qui peuvent avoir un impact sur votre guérison dans le stade 2 de votre blessure :

Vitamine D

La vitamine D peut également jouer un rôle au stade 2. Elle augmenterait l’action anti-inflammatoire par la stimulation de la production d’interleukine-4 et de cytokines et l’inhibition d’agents inflammatoire, l'interleukine-6 et 2, et l'interféron-y (4). S’il y a présence d’un statut sanguin bas en vitamine D, le rétablissement d’un statut normal améliorerait la force musculaire, la forme aérobique, la puissance, la rapidité musculaire, et la coordination. Une étude récente de Barker 2011 chez des personnes souffrant de blessure au ligament croisé antérieur montre que ceux qui avaient une concentration inférieure à 75nmol/l de vitamine D guérissaient moins vite et avait un pic de force musculaire moins élevé que ceux avec un statut normal (6).

La vitamine D stimule également l’absorption intestinale de calcium et joue un rôle dans sa réabsorption rénale. Le calcium étant essentiel dans la synthèse osseuse, il est important de privilégier la consommation d’aliments riches en calcium et de favoriser sa réabsorption à l’aide de la vitamine D en cas de fracture.

Oméga-3

En présence de douleurs chroniques ou qui s’étendent sur plusieurs semaines, il peut être avantageux de prendre des suppléments d’oméga-3 à dosage spécifique. Les suppléments sous forme d'huile de poisson à haute dose sont connus pour avoir un effet anti-inflammatoire et stimuler le système immunitaire particulièrement chez les personnes atteintes de douleurs chroniques reliées à l’arthrite rhumatoïde. Il y a cependant des non-répondants à ce supplément et, pris à un mauvais moment ou à long terme, il pourrait nuire au processus normal de guérison (1). Par contre, si vous augmentez votre consommation d’oméga-3 animale via l’alimentation (deux repas de poissons par semaine par exemple), vous ne risquez pas de subir ces effets néfastes.

Collagène

Le collagène est une protéine trouvée dans les ligaments, les tendons, le cartilage et les os. Les acides aminés principaux du collagène sont la glycine, la proline et l’hydroxyproline. Une seule étude jusqu’à maintenant a démontré que la supplémentation en collagène améliore la synthèse de collagène au niveau des tendons (10). À noter que l’apport alimentaire en protéines non-spécifiques n’affecte pas la formation du collagène des tendons et des ligaments même si celles-ci contiennent les mêmes trois principaux acides aminés. Le collagène osseux pourrait cependant être amélioré par la prise de protéines, surtout chez les gens qui n’en consommaient pas suffisamment, mais cela reste à valider chez les athlètes (1). Si la consommation de collagène vous intéresse, sachez que les doses doivent être consommées avant vos entrainements en résistance pour être efficaces.

Vitamine C

La vitamine C est essentielle pour la formation de collagène et en tant qu’antioxydant. Un apport alimentaire suffisant est recommandé tout au long des stades de la blessure, mais un supplément n’améliore pas la guérison et peut risquer d’endommager les reins. De plus, l’absorption de la vitamine C atteint son maximum à 200 mg/j et au-delà de cette dose il n’y a pas d’augmentation de la concentration sanguine, sauf si les besoins sont augmentés de façon inhabituelle (chirurgie, blessure avec plaie ouverte, etc). Le surplus est alors excrété via les reins sans être utilisé. Afin de combler vos besoins de base en vitamine C, assurez-vous de consommer des fruits frais chaque jour (agrumes, kiwi, fraises, ananas, melons, mangue) ou des légumes idéalement crus (poivrons, brocoli, chou de Bruxelles, pois mange-tout). Consultez une nutritionniste afin de valider les autres sources de vitamine C et quelle quantité consommer selon votre blessure (1,5).

Vitamine K2

Une vitamine un peu moins connue, la menaquinone (vitamine K2) peut aider à la guérison des fractures. Elle agirait comme co-enzyme lors de la synthèse de l’ostéocalcine, une protéine essentielle à la formation osseuse. Combinée à la vitamine D, elle inhibe les ostéoclastes responsables de la résorption osseuse (8). On retrouve cette vitamine particulièrement dans le Natto.

Plusieurs autres vitamines et minéraux sont impliqués dans le processus de guérison tels que la vitamine A, la vitamine E, le magnésium, le sélénium, et le zinc (1). Assurez-vous donc d’avoir l’alimentation adaptée à votre blessure. Il ne s’agit pas là de simplement prendre des suppléments de vitamines les yeux fermés. Les micronutriments consommés via les aliments sont mieux absorbés et n’ont pas le risque de vous créer de surdoses ou d’effets indésirables. Par exemple, la prise d'un supplément de vitamine E peut résulter en une augmentation de l’inflammation dans les sports d’endurance alors que consommer des aliments riches en vitamine E dans une alimentation saine n’a rapporté aucun problème (4). Suite à une évaluation de vos apports nutritionnels, en tenant compte du stade de votre blessure et du niveau d’inflammation, votre nutritionniste peut évaluer la pertinence de consommer certains aliments spécifiques ou de prendre des suppléments. Optimiser sa guérison via la nutrition peut être un défi, n’hésitez pas à consulter une nutritionniste du sport pour mettre toutes les chances de votre côté.

Catherine Goulet DtP MSc

Nutritionniste du Sport

nutritioncg@gmail.com

Références :

  1. Burke L. & Deakin V., Clinical Sport Nutrition 5th Edition, Mc Graw Hill Education, Australia, 2015

  2. Wall B.T, Substantial skeletal muscle loss occurs during only 5 days of disuse, Acta Physiologica, Vol 210, Issue 3, p.600-61130, March 2014

  3. Calder P.C, Feeding the immune system, Proc Nutr Soc, Vol 72, Issue 3, p.299-309, August 2013

  4. Bernadot D., Advanced Sports Nutrition 2nd Edition, Human Kinetics, USA, 2012

  5. Whitney E. & Rolfes S.R, Understanding Nutrition 10th Edition, Thomson Wadsworth, Canada, 2005

  6. Barker T., Low vitamin D impairs strength recovery after anterior cruciate ligament surgery, J Altern Complement Med, 2011

  7. Parr E.B, Alcohol ingestion impairs maximal post-exercice rates of myofibrillar protein synthesis following a single bout of concurrent training, PLoS One, 2014

  8. Karpiński M., Roles of Vitamins D and K, Nutrition, and Lifestyle in Low-Energy Bone Fractures in Children and Young Adults, J Am Coll Nutr. 36(5):399-412, Jul 2017

  9. Tripton K.D, Nutritional support for exercises induced injuries, Sports Med, 45(Suppl 1) :93, 2015

  10. Shaw G, Vitamin C-enriched gelatin supplementation before intermittent activity augments collagen synthesis, Am J Clin Nut, Vol 105, Issue 1, p136-143, Jan 2017

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